Introduction
Traduction et adaptation par Serpentine
Bien qu'Hécate soit souvent perçue
aujourd'hui comme l'archétype d'une déité lunaire triple, un
aperçu de son histoire révèle une déesse plus complexe véhiculant
de grands symbolismes.
Les origines d'Hécate ne se situent pas en
Grèce mais en Asie Mineure, et plus particulièrement en Carie (
située dans le sud-ouest de la Turquie actuelle ) où la ville de
Lagine fut le foyer le plus important de son culte.
En général,
il est aussi accepté qu'elle n'était pas originellement une déesse
lunaire, et que sa triple nature dérive, telle que Farnell a été
le premier a le remarquer, non de la lune mais de son rôle en tant
que Déesse des carrefours, c'est-à-dire la rencontre de trois
chemins en Grèce Ancienne.
Les trois visages d'Hécate
L'ancien culte d'Hécate dégage trois principaux
visages dans le temps.
En premier, ses origines en tant que Grande
Déesse orientale dont il semble qu'elle ait des attributs autant
solaires que lunaires. Ses caractéristiques troublantes sont moins
évidentes. Cependant loin d'être absentes, elles ont peut-être été
supprimés, effacés des sources, tout comme souvent dans le cas de
l'aspect sombre d'Artémis.
Notre principal témoin de cette
première période est Hésiode, auteur de la Théogonie, dans
laquelle un hymne à la déesse lui alloue une position élevée sur
tous les domaines.
Durant la seconde période,
hellénistique, elle prend la caractéristique demeurant populaire
depuis : déesse des fantômes, de la magie et de la lune.
Les
textes les plus évocateurs à ce sujet sont les hymnes provenant des
papyri magiques grecs.
La troisième période, le
développement d'Hécate est remarquable. Par la grande influence des
Oracles Chaldaïques dans les cercles païens de l'antiquité
tardive, la représentation d'Hécate qui en découle devint la plus
importante dans la religion païenne tardive. Durant cette période,
ses attributs lunaires étaient marginalisés en faveur de son rôle
de déesse de la force cosmique de vie et des vertus nourricières de
l'âme.
L'image chaldéenne d'Hécate, soulignant ses aspects de
Grande Déesse, rappelle sa nature originelle et semble provenir de
traditions orientales préservant ses caractéristiques les plus
anciennes.
Le matériel laissé sur l'Hécate chaldaïque présente
un intérêt particulier car, d'une part, il appartient à une
religion répandue et respectée et, d'autre part, il présente notre seule chance réelles de pénétrer dans les cultes à
mystères.
Dès lors, il est naturel de s'interroger sur
l'ensemble de l'image d'Hécate émergeant à travers ces différentes
périodes. Certainement, à la fois dans les visions gréco-romaines
et chaldaïques, elle est une divinité de protection, de
destruction, de fécondité, de mort, tout comme A Billault l'a bien
exprimé. Cela serait également valable dans la première
période.
Expliquer les caractéristiques négatives d'Hécate
n'a pas été difficile pour de nombreux érudits qui, depuis,
pourraient être répertoriés dans la rubrique, justement nommée
mais inutile, « superstition et irrationalisme ».
Plus
récemment cependant des indices à propos d'érudits plus prudents
avec les conclusions faciles et une récente étude sur Hécate ont
souligné qu'elle n'est pas une divinité démoniaque mais une
divinité de la liminalité assumant le rôle de guide pour ses
dévots à travers les arcanes incertaines et dangereuses laissées
par les vides des domaines du « sûr et certain ». Comme
la naissance et la mort, et aussi, dans les royaumes physiques, les
carrefours et les passages.
Le contenu de cet ouvrage
Le présent volume contient des
réimpressions des matériaux les plus intéressants et utiles sur
Hécate, aussi bien qu'une investigation originale de son rôle le
plus important dans l'antiquité tardive que celui de déesse
principale évoquée dans les Oracles Chaldaïques et les textes
annexes.
Le livre est complété par des illustrations sur les
diverses représentations d'Hécate.
Jetons un regard aux
nombreuses contributions de cet ouvrage.
Commençons avec Hécate Magique de J.E.
Lowe, extrait de « Magic in Greek and Latin litterature »
(Oxford 1929), ch. Deities Ivoked by Magicians (i) Hekate. La
contribution de Lowe est un bon travail récapitulatif sur l'image
d'Hécate parmi les magiciens, à travers lequel le lecteur peut
aller plus loin si il le souhaite avec des références à Hécate
dans les papyri magiques grecs et dans l'index de « La Magie
dans la poésie latine » (Paris 1976 ) de A.M. Tupet.
L'apport
de Lowe est suivi du Culte d'Hécate et Hécate dans l'Art provenant
de « The Cults of the Greek States » (Oxford 1896) de
L.R. Farnell, vol II : chap XVI Hekate, et chap XIX Hekate :
Representations in Art. L'étude de Farnell de la religion grecque
est une pierre angulaire dans le domaine, dont les apports dans cet
ouvrage font partis des meilleures premières études sur la déesse
en anglais.
Vient ensuite Le Souper d'Hécate de K.F. Smith, une
réimpression d'un article pareillement titré dans le second volume
de l'encyclopédie monumentale et toujours valable de James
Hastings : Encyclopedia of Religion and Ethics (Edinburgh 1937).
Le Souper d'Hécate traite des offrandes mensuelles placées aux
croisements pour apaiser Hécate et ses hôtes. Une récente
discussion à ce sujet à fait l'objet d'un article de S.I.
Johnston : Crossroads dans le Zeitschrift für Papyrologie und
Epigraphik, volume 88, pp 217-224 (Bonn 1991).
L'article de Smith
sur le souper d'Hécate nous mène naturellement au sujet suivant que
j'ai intitulé La Horde d'Hécate. La première partie porte sur
Hécate et les spectres hécatéens : Gorgyre, Gorgo, Mormolyke,
Mormo, Baubo, Gello, Empousa, etc. La seconde partie s'intéresse aux
Hôtes d'Hécate. Ces deux sujets proviennent d'une traduction
anglaise de la célèbre étude d' Erwin Rhode sur l'âme de la
religion grecque ancienne : Psyche : The Cult of Souls and
Beliefs in Immortality among the Greeks (London 1925), pp 590-595.
La
section suivante est une sélection des quatre plus importants hymnes
anciens à Hécate que j'ai nouvellement traduit pour cet ouvrage. Le
premier des hymnes fut écrit par Proclus ( - V siècle ) qui fut un
des derniers grands philosophes païens et chefs religieux. Le second
hymne est orphique ( - I - -III s ? ) hérité du peu de
littérature liturgique païenne non magique parvenue jusqu'à
nous.
Le troisième hymne est un fragment issu de la pièce de
Sophocle datant du V siècle. Et le dernier hymne provient des Papyri
Magiques Grecs. Antérieur au – IV siècle, il souligne l'imagerie
puissante autour d'Hécate dans ces textes, autant que les
comparaisons intéressantes données relatives au symbolisme qui lui
attribuait dans sa dernière période chaldaïque.
Je pense ne pas
faire erreur en déclarant qu'il n'a pas eu de parution précédente
concernant les traductions des hymnes de Proclus et Sophocle. Le
lecteur voudra probablement comparer notre sélection à l'hymne
d'Hésiode, traduit par Lowe, pp 13-14.
S'ensuit la partie
principale de ce livre, Hécate chaldaïque, qui est dédié à
l'exploration du symbolisme lié à Hécate durant la troisième et
dernière période que nous avons abordée précédemment.
Ce
livre est complété par une série d'illustrations d'assiettes, dont
la plupart ont été dessinées par L. Petersen, « Die
dreigestatltige Hekate », parties 1 et 2 dans
Archäologisch-epigraphische Mittheilungen aus Osterreich-Ungarn, vol
IV (1880) et V (1881). Les dessins 10 et 11 ont été exécutés par
Laura Knobloch pour cet ouvrage.
Il reste une chose à dire sur la série
Studies in Ancient Pagan and Christian Religion and Philosophy dont
le présent est le premier volume. J'espère présenter ici un
ensemble de matériaux réimprimés ainsi que des inédits. Se
concentrant sur l'aspect religieux du paganisme tardif et en lien
avec le christianisme primitif car il semble que ce domaine a été
peu exploré et compris.
Il est temps, à ce point de
l'introduction, ou préface ou que sais-je , d'amener une note plus
humaine et aimable, afin de détourner la suspicion (probablement
justifiée) que la somme de ce travail est celui d'un vieil auteur
pédant sans humour. C'est une coutume à laquelle je me plie, et par
là-même j'aimerai remercier ma chère épouse Laura pour son
soutien affectueux et son amour, sans laquelle le monde serait plus
triste et plus gris.
De façon moindre, mais non pas
insignifiante, je remercie Basil le chat qui a réchauffé mes
genoux, lors de ses méditations poilues, durant mes longues heures
de labeur sur l'ordinateur.
Stephen Ronan
Hastings,
septembre 1992.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire